Le concept de la mort est transformateur, certains (tel que Steve Jobs le fondateur d’Apple) l’utilisent tous les jours afin de se recentrer, de se reconnecter à l’essentiel. Steve Jobs eut une routine bien particulière de son vivant. Chaque matin il se regardait dans le miroir et se posait cette question : « si je devais mourir demain, est-ce que je ferais ce que je m’apprête à faire ? »
Si la réponse était négative à de multiples reprises, il savait qu’il devait changer quelque chose dans sa vie. En effet, le concept de notre propre mortalité nous place face à la valeur de notre temps qu’il nous reste à vivre. Ce concept nous permet d’oser, car face à la mort il n’y a plus de honte, plus de tabou. Le superficiel s’évapore et laisse place à l’essentiel.
Voir les choses à plus long terme en pensant à la fin de notre voyage sur terre est peut-être un merveilleux outil oublié. Mais il existe une cause physiologique à cet « oubli de la temporalité de notre vie ». En effet, autrement nous serions tous comme Steve Jobs, en perpétuelle quête de sens et de perfectionnement. Alors que la mort est tellement imbriquée à la vie il est donc étonnant que peu de personnes ne l’utilisent quotidiennement afin de sublimer leur existence. Le hic le voici : notre cerveau a mis en place un mécanisme qui nous protège contre le concept de notre propre mortalité et non celles des autres. Des chercheurs israéliens ont mené une étude publiée dans Neurolimage du mois de novembre 2019[1], visant à explorer la façon dont notre cerveau réagissait au concept de la mortalité. Pour ce faire, le professeur Yair Dor-Ziderman et son équipe se sont intéressés à la capacité de prédiction du cerveau vis-à-vis du concept de la mort. En effet, cet organe a une capacité de prédiction en faisant toutes sortes de scénarios en se basant sur les données du passé. Pour ce faire, ils ont utilisé l’effet surprise du cerveau. Il s’agit par exemple de vous montrer toutes sortes d’images de chiens, et ensuite viendrait l’image d’un dauphin. Le cerveau réagirait soudainement avec une plus haute intensité à l’image du dauphin. En effet, il s’attendait à voir à nouveau un chien. Le dauphin le bouleverserait. Et vous le ressentiriez en étant vous-même surpris : votre attention montant en flèche. Tout comme lorsqu’il fait calme et que quelqu’un fait sonner votre sonnette. Le brusque changement provoquera une forte activité cérébrale.
Comment se déroula l’expérience ?
Dans l’étude, les chercheurs firent défiler devant les participants des visages identiques, et de temps en temps, ils firent apparaitre un visage différent associé à un mot du champ lexical de la mort comme funérailles ou cercueil. Ils mesurèrent l’activité cérébrale via la magnétoencéphalographie qui mesure le champ magnétique produit par les neurones, afin de voir si le cerveau fut surpris de voir le nouveau visage. Ce fut exact. Le cerveau qui anticipait la même image que la précédente fut surpris de voir le nouveau visage. Mais dans la phase suivante de l’étude, les images « surprises » furent celles du participant lui-même. Et lorsqu’elles furent associées à un mot provenant du champ lexical de la mort, le cerveau n’a émis aucune surprise. Son attention est restée plate, feignant l’ignorance. « La mort est un concept commun, mais quand il s’agit de notre propre mort, le cerveau inhibe sa capacité de prédiction.
Conclusion
C’est pourquoi ce merveilleux outil est délaissé, mis de côté : notre cerveau est programmé pour ignorer le concept de notre propre mortalité. Dès lors nous vivons en étant quelque peu illusionnés, dupés, pensant que notre temps est infini remettant à plus tard ce qui compterait réellement pour notre cœur. Mais peut-être que chez certains (tel que Steve Jobs), leur cerveau est moins apte à inhiber le concept de leur propre mortalité. Mais avec un peu d’effort, nous pouvons tous apprendre à nous en servir. Nous pouvons nous rappeler que nous partageons un brin de temps avec la terre dans ce vaste univers et que ce voyage devra un jour s’achever. Nous retournerons d’où nous sommes issus dans un lieu que certains nomment le néant et d’autres le paradis. Dans les deux cas, notre cohabitation avec cette planète n’est que temporaire et notre chemin s’achèvera. Et cela au même titre que les millions d’autres individus qui nous ont devancé dans le chemin de la vie. En nous rappelant cela, nous pouvons tout comme Steve Jobs, utiliser notre temps afin de réaliser ce qui a le plus grand sens à nos yeux en nous souvenant chaque jour que notre mort viendra un jour ou l’autre.
[1] NeuroImage Volume 202, 15 November 2019, 116080