Accueillir ses émotions : dépasser la peur pour retrouver sa confiance

Accueillir ses émotions : dépasser la peur pour retrouver sa confiance

Un gap de génération : D’une peur réelle à une peur cachée

Pour accueillir ses émotions, je vais partir d’une petite histoire de vie qui s’est déroulée récemment.

Il y a quelques jours, en lisant des échanges sur Reddit, j’ai été frappé par le décalage entre ma manière d’aborder les virus informatiques et celle de certaines personnes plus jeunes.

Pour moi, qui ai grandi avec Windows 95, eMule, les cracks et les barres de pub envahissantes, la gestion du risque numérique faisait partie du quotidien. Lorsque nous surfions sur internet, nous devions faire preuve d’agilité. Un mauvais clique au mauvais endroit et hop nous attrapions un virus. À l’époque le géant du moteur de recherche, Google, n’existait pas. Chaque site était potentiellement dangereux. Windows ne possédait pas d’antivirus intégré et un simple email pouvait « détruire » notre ordinateur. Nous étions tels des aventuriers dans une jungle sauvage où nous devions être habiles et astucieux pour survivre. C’était ça l’internet des années 90 et début 2000.

Et, paradoxalement, alors qu’internet est devenu très sûr, et que tout est vérifié, je vois tant de jeunes sur les forums avoir peur d’un simple retard de mise à jour. Je lis des messages tels que :

« Il faut absolument mettre ton ordinateur à jour, autrement tu risques de sérieuses menaces ! » ou encore : « Tu ferais bien de ne pas jouer avec le feu, tout retard de mise à jour pourrait permettre aux pirates informatiques de s’emparer de ton pc ! »

J’ai été très étonné de lire ce genre de message. Je peux rester des années sans mettre un appareil à jour et cela ne m’effraye pas. Mais j’ai grandi différemment, j’ai été baigné au sein d’une autre époque. En effet, dans les années 90 et 2000, les mise à jour n’étaient pas courantes, nous devions faire preuve de beaucoup de prudence, c’était ça la règle du jeu. Et malgré cette prudence j’ai écopé de divers problèmes sur mes ordinateurs. J’ai été envahi de pubs, de virus, de diverses menaces. Je me suis fait pirater mon compte Facebook et MSN (pour ceux qui connaissent). Alors pourquoi n’ai-je pas « peur » comme beaucoup d’un simple retard de mise à jour sur un appareil ?

Cette interrogation m’a amené à réfléchir à quelque chose de plus profond : notre rapport au risque… et à la peur.

Quand l’expérience forge la confiance

Il y a une grande différence entre vivre un risque et en entendre parler.

Je me sou viens quand j’étais petit, chez ma mère en possession de mon premier ordinateur. J’étais insouciant au début. On m’avait dit « ne clique jamais sur le bouton nommé : panneau de configuration ». J’avais peur de ce bouton, je me souviens qu’il m’angoissait. Je voyais cette petite icône : j’essayais toujours de l’éviter.

Et puis, un jour, en faisant une fausse manipulation j’ai cliqué sur cette fameuse icone : « panneau de configuration ». J’avais à peine 10 ans. Mon cœur s’est accéléré, j’ai eu peur. Et puis tien, donc, que se passe-t-il ? Rien de particulier. Une sorte de fenêtre qui s’ouvre avec plein d’options possibles. Je pouvais accéder à plein de paramètres. Mon angoisse retomba et, malgré tout, j’ai eu l’impression de faire une bêtise. Alors j’ai refermé la fenêtre.

Depuis ce jour, ce petit nom « panneau de configuration » ne m’a plus jamais effrayé. Et je l’ai réouvert de nombreuses fois pour avoir accès aux paramètres de l’appareil. Mais si je l’avais regardé sans vraiment cliquer dessus, il m’aurait toujours fait peur.

La peur du risque est plus lourde que la confrontation à ce même risque.

De même mon premier virus, qui a installé de nombreuses publicités partout dans mon pc, m’a effrayé. Et puis j’ai simplement appris à nettoyer tout cela. Lorsque j’ai eu un virus encore plus problématique, j’ai appris à formater mon pc. À chaque fois cela m’apprenait qu’il existait une solution aux problèmes informatiques et cela à forger ma confiance.

Pour celles et ceux qui pourraient penser : « Mais maintenant tu risques de voir ton compte en banque piraté ! » Hé bien pas plus qu’avant. L’online banking existait déjà dans les années 2000.

J’ai appris non seulement à être prudent mais confiant.

En effet l’exposition à un réel problème et non à un problème hypothétique nous permet de forger une expérience afin de faire face à ce problème. Il nous forge, il nous permet de grandir et de faire émerger de nouvelles habilités. Paradoxalement, le risque-lui nous fait vivre dans l’anxiété constante car il ne permet pas de nous confronter véritablement à ce qui se passe. Il est très différent de tenter de trouver des compétences pour se sortir d’un problème plutôt que de tout faire pour éviter un danger potentiel.

Celui qui a traversé des situations difficiles apprend, parfois dans la douleur, qu’il peut tomber… et se relever.

Celui qui n’a connu que l’idée du danger, sans l’éprouver, peut vivre dans une tension constante : toujours au bord du précipice, sans jamais tomber.

L’illusion de la sécurité totale

Dans une société de plus en plus sécurisée, balisée, informée, nous avons paradoxalement moins d’espace pour nous confronter à la réalité brute.

Et ce manque de contact réel avec le risque peut créer une anxiété disproportionnée face à des situations pourtant simples ou gérables.

L’excès de prévention peut parfois nous couper de notre propre puissance. Et pourtant c’est en tombant que l’on apprend à marcher. Il serait inutile et contreproductif de dire à son bébé : marche, mais ne tombe pas. Ce serait la meilleure façon pour qu’il ne marche jamais. De plus il développerait une phobie de la marche. Tous ceux qui seraient en train de marcher seraient en danger, car ils risqueraient de tomber.

Cet exemple peut paraître idiot, mais il est de portée universelle. La confrontation à un danger nous rend par la suite plus serin : car c’est la seule façon d’apprendre à le gérer. Nous pourrons nous dire : à je connais ça, je sais comment faire.

Un pneu crevé ? Ce n’est pas grave, cela m’est déjà arrivé, il suffit de le changer.

Dans notre société très préventive et sécurisée, assistée, nous avons de moins en moins d’occasions de nous exposer à des problèmes. Paradoxalement nous sommes envahis par le biais des médias d’une multitude de problèmes potentiels. Il y a donc un décalage entre ce que l’on entend et les problèmes réels qui se présentent devant nous.

Tout peut devenir un risque sans jamais être vraiment là. Cela peut devenir quelque chose d’insidieux, telle une ombre tapie qui nous attend sans jamais vraiment se manifester.

Et s’il se passait cela ? Et si cela arrivait ? Nous guettons de multiples dangers qui ne viennent pas. Cela crée du stress et nous perdons notre pouvoir intérieur.

Et si le trauma était un lieu habitable ?

Dans mes débuts de thérapeute, on m’enseignait de tout faire pour éviter de “réactiver” un trauma, comme si la blessure était un terrain miné. Cela m’a moi-même effrayé. Je me suis dit : « Et si je tombe sur quelqu’un qui a un trauma ? Je vais devoir être très prudent… »

Mais à force de travailler avec l’humain, j’ai vu que les personnes arrivent en séance debout, déjà résilientes, même quand elles ont vécu quelque chose de vraiment pénible. L’humain à d’innombrables ressources. J’ai surtout appris que celles et ceux qui ont vécu les pires choses deviennent les personnes les plus courageuses et les plus extraordinaires.

Et c’est là que tout change : si on fait confiance à la vie en elles, on peut oser aller dans les zones sensibles, non pas pour les brusquer, mais pour leur montrer qu’elles peuvent regarder, ressentir, exister… même là, même en plain milieu du trauma.

Certaines émotions qui peuvent sembler trop dures à ressentir ne sont pas si dangereuses que cela. On peut, petit à petit, rencontrer les émotions difficiles, refoulées, qui effrayent. La peur de ces émotions du passé est souvent pire que l’émotion elle-même. Mais c’est comme avec tout apprentissage, il convient d’y aller couche par couche. L’enfant apprend d’abord à ramper avant de marcher.

Il m’est arrivé à me confronter volontairement à certaines images angoissantes juste pour apprendre à ressentir ce que je fuyais. Des images de maladie que j’ai regardées durant des heures jusqu’à atteindre la paix en les regardant. Petit à petit, l’angoisse terrorisante s’est métamorphosée en compassion pour la photo de personne malade que je regardais. En effet, j’avais peur des maladies graves. Et l’une des façons de me guérir de cela a été de regarder des images de personnes malades. Je l’ai fait petit à petit. Cela a déclenché couche après couche des angoisses cachées qui se sont révélées. En les observant, je m’y suis confronté et elles se sont dissipées.

Revenir au réel, c’est guérir

La peur naît souvent de l’imaginaire, de ce qu’on ne touche jamais vraiment.

Mais la vraie transformation se joue dans l’expérience vécue, dans le tremblement assumé, dans la confrontation douce mais réelle.

Quand on cesse de protéger la personne de sa propre peur, quelque chose de grand s’ouvre. L’humain se reconnecte à sa force intérieure, il réapprend à marcher dans sa lumière.

Ressentir et non ressasser

Peut-être que, comme avec les virus informatiques, nous avons besoin de traverser certains espaces pour apprendre à les reconnaître, les sentir, et non plus les redouter.

Et si, finalement, le trauma n’était pas une faiblesse à contourner, mais une porte à franchir, avec délicatesse mais avec confiance ?

En réalités nos émotions demandent à être ressenties au lieu d’être évitées. Le fait d’éviter ses propres émotions donne une fausse impression de contrôle. Mais, en réalité il s’agit d’une fuite, ce qui consomme beaucoup de ressource en arrière-plan.

Les ressentir est différent également de les amplifier. Ce n’est pas se rouler dedans et s’y empêtrer. À l’inverse, ici c’est lorsque les émotions prennent le contrôle sur notre être intérieur.

Quand j’évoque le terme « ressentir », il convient de bien le comprendre. Il ne s’agit pas de ressasser. Il s’agit d’accueillir avec respect une sensation émotionnelle en lui laissant la place d’être enfin entendue.

Alors quelle est la différence entre ressasser et ressentir ?

Certains ou certaines pourront croire : mais je n’arrête pas de pleurer, je n’arrête pas d’être en colère, donc je devrais être de plus en plus fort ou forte ? Tout devrait se régler ?

Prenons une image pour bien comprendre la différence. Imaginons que l’émotion soit comme un petit oiseau à l’intérieur de nous. Cet oiseau nous dérange car il est en colère, il se sent triste : il a une blessure émotionnelle.

Certains vont l’ignorer et l’oiseau va déprimer en arrière-plan. Cela reporte le problème à plus tard avec plus de conséquences.

D’autres vont ressasser : ils vont prendre l’oiseau dans leurs mains et le secouer. L’oiseau sera encore plus en colère, il sera encore plus triste : sa blessure émotionnelle grandira. Ces personnes lui diront : « et tu vois, je suis en colère car rien ne va, ces gens sont nuls, le monde ne va pas bien, alors comment je pourrais être heureux. Personne ne pense à moi, et puis, moi, je fais tout pour les autres. J’en ai marre. »

Cela peut aussi être fait sous le prisme de la tristesse : « Et personne ne m’aime, je n’ai d’importance pour personne, mes enfants ne viennent pas me voir…(pleure sans cesse) »

L’oiseau est serré très fort (trop fort) dans les mains et tout le monde se crispe.

Accueillir son oiseau intérieur

Quel est l’équilibre alors ? Quel est le point d’accueil qui se situe entre le rejet et le ressassement ? L’oiseau est soit ignoré, soit serré très fort, secoué, abîmé.

L’accueil de l’oiseau revient simplement à tendre une main et laissé l’oiseau être entendu sans jugement ni aucune tentative d’interaction de notre part. Notre interaction se situe dans notre main tendue, ni plus ni moins. C’est l’accueil, l’acceptation, le non-jugement. Cela est profondément guérisseur.

La prochaine fois qu’une émotion survient, essayez de l’imaginer comme un oiseau blessé émotionnellement. Il a juste besoin de votre main tendue. Ni plus ni moins. Alors plus concrètement : observez votre émotion comme une sensation, imaginez-la sous forme d’un oiseau. Continuez à l’observer à être présent jusqu’à ce que le pouvoir de votre accueil la guérisse.

Ne laissez pas votre mental intervenir. Laissez plutôt votre présence bienveillante agir. Essayez d’être dans cette attitude intérieure d’accueil, d’ouverture, de respect.

Ne plongez pas dans l’émotion, ne plongez pas dans l’oiseau.

Vous pouvez tendre physiquement les mains devant vous en coupole et laisser l’émotion se poser dans vos mains. Il ne vous reste plus qu’à ressentir vos mains et à respirer profondément. Laisser la chaleur de vos mains accueillir l’émotion. Vous pouvez peut-être ressentir certains picotements, des frissons comme un froid qui se libère…

Et le lien avec les virus informatiques ? Il s’agit simplement d’avoir pu traverser les angoisses avec audace, en s’y confrontant réellement. Souvenez-vous lorsque j’ai cliqué pour la première fois sur « panneau de configuration ». Cela m’a permis de véritablement accueillir mon émotion, au lieu de chercher à tout prix à l’éviter. C’est précisément cette confrontation douce mais réelle qui a forgé ma confiance. En libérant nos oiseaux intérieurs, nous reprenons notre force. Ces émotions ne sont alors plus des fardeaux : leurs ailes se déploient et elles contribuent pleinement à notre liberté intérieure.

Image de Jonathan Avalosse

Jonathan Avalosse

Explorateur de la conscience et de l’être, Jonathan Avalosse accompagne celles et ceux en quête de sens, d’alignement et de transformation intérieure. À travers l’écriture et la thérapie intuitive, il crée un espace où les mots résonnent, libèrent et ouvrent à de nouvelles perspectives.

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